08 août 2007

Lecture du moment

Je n'attendrai pas 2008 pour dire sans hésitation que LE livre lu cette année qui m'aura le plus délecté les papilles du cerveau est Kafka sur le rivage de Haruki Murakami.
Cet écrivain, que je confondais encore tout récemment avec Ryû Murakami, tisse dans ce roman les histoires de deux vies attachantes, deux personnages en quête de soi ou d'autre chose. Des touches de fantastique, de moments réflexifs, de poésie... composent un tableau exceptionnel. C'est le genre de roman que l'on vit, que l'on pense en dehors de sa lecture. C'est très facile à lire, on y plonge facilement et on en ressort l'esprit rafraîchi de nouveaux horizons.

J'y ajouterai un extrait, mais c'est tout le livre qui devrait être extrait.

"-Tel que tu me vois, j'ai été victime de discriminations diverses dans ma vie, poursuit-il. Seuls ceux qui ont subi eux-mêmes savent à quel point cela peut blesser. Chacun souffre à sa façon et ses cicatrices lui sont personnelles. Je pense que j'ai soif d'égalité et de justice autant que n'importe qui. Mais je déteste par-dessus tout les gens qui manquent d'imagination. Ceux que T. S. Eliot appelait " les hommes vides ". Ils bouchent leur vide avec des brins de paille qu'ils ne sentent pas, et ne se rendent pas compte de ce qu'ils font. Et avec leurs mots creux, ils essaient d'imposer leur propre insensibilité aux autres. Comme nos deux visiteuses de tout à l'heure.
Oshima soupire, fait tourner le crayon entre ses doigts.
-Les gays, les lesbiennes, les hétéros, les féministes, les cochons de fascites, les communistes, les Hare Krishna, et j'en passe, aucun d'eux ne me dérange. Peu m'importe de savoir quel drapeau ils brandissent. Ce que je ne supporte pas, ce sont les gens
creux. Ceux-là me font perdre tout contrôle. Je finis par dire des choses que je ne devrais pas dire. Tout à l'heure, j'aurais dû les laisser parler, prendre ça à la légère. Ou alors j'aurais pu appeler Mlle Saeki et la laisser s'en charger. Elle est capable d'affronter ce genre de personnes en gardant le sourire jusqu'au bout. Moi, j'en suis incapable. Je ne sais pas me contrôler, c'est mon point faible. Et sais-tu pourquoi c'est une faiblesse?
-Parce que si vous deviez vous occuper sérieusement de tous ceux qui manquent d'imagination, ce serait épuisant et surtout cela n'aurait jamais de fin.
-Exactement, dit-il en pressant légèrement sur sa tempe la gomme de son crayon. C'est tout à fait ça. Mais rappelle-toi ceci, Kafka Tamura : ceux qui ont arraché son ami d'enfance, l'amour de sa vie, à Mlle Saeki, étaient de cette sorte. Des esprits étroits, sans aucune imagination et très intolérants. Les thèses déconnectées de la réalité, les termes vidés de leur sens, les idéaux usurpés, les systèmes rigides. Voilà ce qui me fait
vraiment peur. Je crains toutes ces choses et je les exècre du fond de mon coeur. Qu'est-ce qui est juste? Bien sûr, c'est important de savoir ce qui est juste et injuste. Mais, la plupart du temps, les erreurs de jugement peuvent être rectifiées. Quand on a le courage de reconnaître ses erreurs, on peut les réparer. Or l'étroitesse d'esprit et l'intolérance sont des parasites qui changent d'hôte et de forme, et continuent éternellement à prospérer. Je sais que c'est une cause perdue, mais je refuse que ce genre de choses entre ici.
Il désigne les étagères du bout de son crayon. Naturellement, il parle de la bibliothèque en général."